Steeve Gagné
Enseignant au département de sociologie
Cégep de Chicoutimi
Au début de la session d’automne 2019, on m’avait proposé un projet de stratégie pédagogique en classe inversée. Au premier abord, je pensais que le concept était que les rôles dans la classe étaient renversés ; les étudiants donnaient le cours et ma tâche était de les écouter. Après certaines discussions et formations, je me suis rendu compte que ma conception de cette stratégie pédagogique était erronée. En fait, le rôle de l’enseignant est toujours le même, mais l’ordre des activités est inversé. Bref, j’ai participé au projet et dans les lignes qui suivent, je ferai une réflexion interne (en lien avec l’élaboration de la classe) et externe (impacts sur les étudiants) dans le but de faire part de mon expérience à ceux qui voudront utiliser cet outil pédagogique afin de le faire en connaissance de causes.
En sociologie, l’une des plus grandes difficultés est que les notions sont abstraites. Culture, socialisation, normes et valeurs sont des concepts très importants, au point de guider et d’influencer un individu dans ses décisions et ses actions tout au long de son parcours. Cependant, ces éléments ne sont pas concrets : on ne peut pas les toucher ni les voir, sauf en donnant des exemples en lien avec la société à partir de textes ou de vidéos. Ce problème se transpose également dans le cadre de la classe inversée : quelle matière traiter à l’aide d’un support visuel? Comment rendre cette matière assez tangible pour la traduire en vidéo? Est-ce que l’étudiant comprendra le sujet traité? La partie de matière que j’ai finalement choisie traitait de la violence conjugale et de la maltraitance d’enfants. Ce sujet me semblait à propos pour cette méthode pédagogique en plus d’être un sujet d’actualité connu, qui touche et intéresse les étudiants. Tout cela me permettait de croire que l’activité pourrait s’avérer intéressante.
Avant de commencer une classe inversée, voici mon conseil en un mot : préparation. Il faut prévoir la matière (choisir les concepts, les concrétiser en support visuel), travailler le support visuel (maîtriser les outils informatiques nécessaires, élaborer le support visuel et le transmettre), avertir les étudiants (consignes avant la classe inversée) et finalement, organiser le retour après le cours (prévoir une période de question et de retour sur la matière, élaborer et corriger l’évaluation sur la matière). Étant très novice dans le domaine, j’ai été surpris par le temps que tout cela exigeait, en plus des autres livrables d’une session normale. Je considère par contre que puisque maintenant que je l’ai déjà fait, les prochaines fois seront moins énergivores (il y en aura certainement d’autres!).
Pour donner suite au projet, en critique externe, j’ai fait évaluer ce dernier pour mesurer l’appréciation des apprenants et l’impact sur ceux-ci. Somme toute, l’activité de classe inversée à été plutôt bien reçue. Les étudiants ont aimé pouvoir visionner plusieurs fois la vidéo, ce qui facilitait la prise de notes au moment voulu. Je me suis aperçu que les critiques et les problèmes rencontrés sont plutôt relatifs à la vie des étudiants à l’extérieur des cours. La très grande majorité de ceux-ci travaille les soirs et les fins de semaines et la méthode utilisée semblait leur prendre plus de temps à la maison.
Aussi, la classe inversée exige une certaine autonomie ainsi qu’une responsabilisation. L’utilisation de cet outil pourrait être problématique avec des étudiants de première année au collégial où le choc du passage secondaire-cégep et le fait d’être plus laissés à eux-mêmes en affectent plus d’un. Mon projet était adressé à des étudiants de technique en troisième année donc j’ai eu très peu de problème à ce sujet.
En lien avec ce qui vient d’être mentionné, après une classe inversée, une activité devrait être prévue lors du retour en vue de répondre aux interrogations survenues à la maison. Par contre, il n’est pas faux de penser que les étudiants auront peut-être de la difficulté à poser leurs questions. Timidité, dynamique de groupe, pression sociale et autres créent plus souvent qu’autrement des silences en classe. Une activité ou une évaluation formative devient alors très pertinente. Encore une fois, sur ce point, mon expérience a été plutôt positive avec mon groupe d’essai étant donné la présence d’une belle dynamique de classe où les étudiants se connaissent depuis trois ans et ont une grande facilité à communiquer en groupe.
Pour conclure, la classe inversée est un bel outil qui permet de transformer certains cours en pédagogie active. Cependant, avant de se lancer dans celle-ci il est intéressant de se poser les questions suivantes : est-ce le bon étudiant (autonome, responsable), la bonne matière (qui peut être élaborée en classe inversée), le bon soutien (accessible, convivial pour l’étudiant et l’enseignant), le bon moment (temps de planification) et le bon motif (l’utilisation de la classe inversée la pertinence et la valeur ajoutée au cours)[1].
[1] Inspiré de « 5 bons dans l’administration des médicaments » utilisé en soins infirmiers