Rôle de l’enseignant et classe inversée

Anik Routhier
Enseignante – Techniques d’éducation à l’enfance
cours Action éducative et expérimentation
Cégep Marie-Victorin

Un enfant qui construit un tour avec des blocs colorés en bois/A child building a tower with colourful wooden blocks
Crédit/Courtesy: La-Rel Easter on Unsplash

Le rôle de l’enseignant en classe inversée passe d’animateur à guide. En ce qui me concerne, cela m’a amenée à devoir redéfinir mon rôle, et surtout à revoir comment me valoriser et me sentir compétente comme enseignante. Je m’explique.

Bien que je sois une enseignante très structurée dans ma manière de gérer mes cours, je considère que ma principale force est ma capacité de créer du plaisir et une ambiance décontractée en classe. Lorsqu’on enseigne le soir, encore plus, cela s’avère nécessaire, car les étudiants ont été en stage ou au travail durant la journée, alors il est essentiel de susciter et de maintenir l’intérêt du groupe tout au long de la soirée. Mon côté « clown » ou théâtral, de même que les activités ludiques que je propose tombent donc à pic, dans un tel contexte.

Or, il est très difficile d’exporter cela dans la pédagogie inversée. Certes, je pourrais créer des vidéos teintées d’humour (mais j’avoue que sans public, cela m’a semblé plus difficile), mais je ne peux malheureusement pas animer des jeux à distance. Le plaisir que la classe éprouve dans les interactions humaines, le jeu et l’humour partagé ne peuvent être vécus à la maison, lors de l’appropriation de la matière.

Par conséquent, en testant la classe inversée dans sa forme la plus pure, c’est-à-dire en créant des périodes d’exercices pratiques en classe, dans lequel j’exerçais un rôle de soutien et non d’animation, je me suis sentie comme si je perdais mon essence principale d’enseignante. En d’autres termes plus québécois, je me sentais plus «plate». Mon approche chaleureuse avec les étudiantes, alors que je répondais à leurs questions ou leur donnais un coup de pouce lors de leurs travaux pratiques, était toujours appréciée, mais j’avais l’impression qu’une partie du prof en moi était absente, et cette partie me manquait.

J’en conclus qu’en reprenant le concept de classe inversée, je me permettrai davantage de mélanger les stratégies. Par exemple, j’entrecouperai les cours pratiques par des animations d’activités ludiques et pédagogiques, pour que l’animatrice en moi trouve son compte, et que mes étudiantes aient des moments d’action dans lesquelles elles s’amusent tout en apprenant. L’équilibre ainsi créé me semble optimal.

Choisir sa stratégie d’implantation de la classe inversée

Anik Routhier
Enseignante Techniques d’éducation à l’enfance
cours Action éducative et expérimentation
Cégep Marie-Victorin

Lors de mon processus de classe inversée, j’ai modifié quatre cours sur quinze selon la pédagogie inversée. En fait, j’ai choisi les trois cours où la matière était de nature technologique, ainsi qu’un cours dans lequel les informations se transmettaient facilement par des capsules vidéo dans lesquelles je pourrais expliquer comme si j’étais en classe.

Mes cours inversés ont rapidement été mis à l’horaire (cours 3 et 4), car cette matière était utile pour la résolution d’une première évaluation sommative. Cela dit, je crois que n’insérer rapidement les classes inversées à l’horaire, et d’en faire deux de suite, ne constituent pas des stratégies optimales.

D’abord, je suis d’avis qu’avant de passer à la classe inversée, il est important de créer un lien de confiance avec les étudiants, d’autant plus si c’est leur première expérience de la sorte. Ainsi, si c’était à refaire, j’attendrais probablement au cours 4 ou 5 avant de démarrer, pour que le lien soit complètement créé avec les étudiants. Cela les sécurisera sur la suite des choses.

En outre, je crois que la première capsule de classe inversée que je présenterais serait la plus facile à s’approprier, simplement pour que les étudiants découvrent la pédagogie inversée sans trop d’effort intellectuel, afin de susciter d’abord de la motivation et du plaisir par rapport au projet.

Peinture et fournitures pour enfant/Paint and supplies for children
Crédit/Courtesy: Photo by Gautam Arora on Unsplash

Par la suite, j’opterais pour une classe inversée à tous les trois ou quatre cours, pour un équilibre entre le présentiel plus traditionnel, auquel les étudiants sont habitués, et les classes plus pratiques. Je réalise que plusieurs étudiants, dans le cadre des cours de soir, ont besoin que l’enseignant soit aussi en mode animation (plutôt que de travailler intensément pendant trois heures). En éducation à l’enfance, comme enseignante, j’anime souvent des activités ludiques qui ont le mérite de réveiller les étudiantes… Elles apprécient cette formule!

En fait, la morale de l’histoire est d’éviter, à mon humble avis, est :

  • d’éviter de consacrer l’ensemble d’une période à des travaux pratiques (en éducation à l’enfance et pour les cours de soir, du moins)
  • de prévoir une intégration équilibrée de la classe inversée, en présentant des contenus du simple au complexe, et en entrecoupant par des cours «réguliers », pour les habituer graduellement à cette pédagogie.

Établir la longueur des classes inversées

Anik Routhier
Enseignante Techniques d’éducation à l’enfance
cours Action éducative et expérimentation
Cégep Marie-Victorin

Un enfant construit un tour avec des blocs colorés. A child is building a tower with colourful blocks.
Crédit/Courtesy: Markus Spiske on Unsplash

L’un des principaux défis et constats que j’ai vécus lors de mes classes inversées s’est situé au niveau de la longueur de la préparation à réaliser à la maison. Voulant bien faire, j’ai conçu mes capsules en ligne pour que l’ensemble de ma théorie d’un cours de trois heures soit présenté au préalable, pour se consacrer uniquement aux travaux pratiques une fois en classe. Or, j’ai réalisé que ce n’était pas un choix approprié. Je vous explique pourquoi.

D’abord, il est certain que lorsque nous enseignons, la théorie est entrecoupée de questions, de pauses, d’exercices. Celle-ci apparaît donc moins « aride » à assimiler puisque trois heures de cours correspondent peut-être dans les faits à 60 ou 90 minutes de matière brute. Cela dit, je considère que cela correspond à trop d’information pour en faire une classe inversée. Mon constat est donc le suivant : vaut mieux choisir moins de contenu, mais le voir plus en profondeur lors de la capsule en ligne (ou d’une autre forme de documentation, selon la méthode choisie).

Ce que j’en retire, c’est que lorsque je referai mes classes inversées, je procéderai selon l’une ou l’autre de ces manières :

  1. Offrir une introduction au sujet du cours par le biais de la classe inversée, puis faire un retour sur la matière en classe, la pousser plus loin (par des démonstrations et/ou des explications) et laisser ensuite les étudiants réaliser des exercices pratiques à leur rythme.
  2. Pousser à fond un sujet précis par le biais de la capsule, et voir les autres contenus en classe ensuite, puis laisser une période d’exercices pratiques au rythme des étudiants.

Cela permettra aux étudiants de mieux s’approprier la matière, de bénéficier d’une certaine portion d’enseignement en classe, et aussi de disposer de temps pour la mise en pratique, ce qui me semble un équilibre intéressant.

Apprendre à incorporer le rôle de mentor à travers son enseignement

Andréanne Lapierre
Enseignante Perfectionnement en techniques du vêtement
cours Coût de revient
Cégep Marie-Victorin

En tant qu’enseignante, je réalise qu’il est souvent de plus en plus difficile de garder la concentration des étudiants sur une longue période. Les étudiants, particulièrement les plus jeunes, ne sont guère stimulés par le modèle traditionnel d’enseignement qui consiste à donner des cours théoriques en avant de la classe. J’aimais donc l’idée d’expérimenter d’autres approches et techniques afin d’améliorer la qualité de mon enseignement.

Je pense qu’en général, j’ai malheureusement un rôle du professeur classique, soit celui qui donne de la théorie et qui demande à ces étudiants de bien écouter et de prendre des notes. Cependant, de plus en plus, j’essaie d’utiliser des exercices ou des mises en situation de longue durée qui me permettent d’agir davantage comme un mentor pour eux, soit une personne qui les encadre dans leurs apprentissages, leurs questionnements et leurs réflexions. C’est ce qui me plait beaucoup avec la classe inversée, car elle me permet, pendant les séances de cours, d’avoir un rôle de mentor plutôt qu’un rôle d’enseignante traditionnelle.

Enseignant qui circule en classe/Teacher circulating in the classroom
Crédit/Courtesy Jonathan Borba on Unsplash

D’ailleurs, je suis convaincue qu’en plus d’être davantage stimulant pour l’enseignant, cette façon de fonctionner est plus enrichissante pour l’étudiant, puisqu’il est amené à développer par lui-même des qualités de débrouillardise et de réflexion personnelle. Il va donc chercher à réfléchir et à trouver ses propres réponses tout en utilisant son professeur comme un guide et non comme la personne qui contient toutes les réponses à ses interrogations.

Pour conclure, j’aime beaucoup le fait de faire participer les étudiants à des activités ou à des discussions de groupe et j’attends d’eux qu’ils interagissent, qu’ils apportent leur propre idée et réflexion. Je crois d’ailleurs que cette approche pédagogique est celle qu’il faudra de plus en plus appliquer dans le futur, car elle aidera à stimuler davantage les jeunes étudiants.