Daniel Normand
Enseignant du cours Analyse foncière
Cégep Limoilou
J’étais prêt, j’y pensais depuis longtemps, j’avais des attentes, j’espérais que ce soit vraiment l’fun pis que ça lève comme on dit! Mais, comme bien d’autres premières fois, la réalité est toujours loin de nos attentes. Sans qualifier cette première expérience d’échec, je dirais que j’ai tiré quelques leçons de cette non-réussite qui m’ont permis de vivre une plus belle expérience dès ma deuxième séance. Je te partage dans ce billet mes premiers constats face à la classe inversée.
Une première pour tout le monde
Essayer une nouvelle approche pédagogique est certainement tout à ton honneur. C’est une nouvelle corde à ton arc d’enseignant, ça peut changer radicalement l’atmosphère d’un cours, favoriser le succès des élèves, mais surtout, ça te demande de te préparer, de te renseigner et d’apprendre de nouvelles choses. Mais sais-tu à quoi je n’avais pas pensé? Que c’est pareil pour les étudiants du cégep. C’est nouveau pour eux aussi.
Comme je suis plutôt un geek en géomatique et que j’ai peu de connaissances en pédagogie, je croyais être un des derniers enseignants à essayer la classe inversée dans mes cours. De cette présomption découlait que mes étudiants avaient sûrement déjà vécu ça avec d’autres professeurs, ce qui n’était pas du tout le cas. C’était leur première fois à eux aussi. Par conséquent, je suis peut-être allé un peu fort sur leur premier contenu à assimiler à la maison.
La classe inversée rend l’élève responsable de son apprentissage. D’autant plus qu’il doit gérer cet apprentissage dans un délai requis pour pouvoir arriver en classe, fin prête pour réaliser les exercices. Cette capacité à apprendre seul, à se responsabiliser et à y parvenir en gérant adéquatement son temps est quelque chose qui s’apprend progressivement. Il est donc essentiel, avant toute chose, que tu connaisses le niveau des élèves ta classe. Tout simplement en leur demandant à quel point ils sont à l’aise avec ça. Ensuite, tu commences avec une classe inversée à leur niveau et vous progressez ensemble tout au long de la ou des session(s). Moi je les ai dirigés dans une pente à bosses double losanges noirs en partant.
Travail en amont, succès en aval
L’autre difficulté que j’ai rencontrée découle sans doute de la précédente car seulement 25% de ma classe avait fait le travail à la maison avant d’arriver en classe. Certains étaient restés dans le haut de la pente.
Chacun était supposé me faire un schéma conceptuel avec une trentaine de cases que je leur avais préparées. Cet exercice était une bonne façon de voir s’ils avaient assimilé la matière vue dans les 5 capsules vidéo, les tests en ligne et les articles de lois présentés.
Devant cette situation où mon plan semblait être tombé à l’eau, je me demandais bien quoi faire pour meubler le temps qui était prévu pour ça. Certainement pas voir la matière avec eux. En faisant ça, tu leur montres qu’un manquement à leurs responsabilités est sans conséquence. J’ai donc décidé de faire les schémas conceptuels en équipes. Ceux qui étaient préparés étaient valorisés en ayant un rôle de leader au sein de leur équipe pendant que les autres tiraient une leçon de leur manque de préparation.
Après je leur ai expliqué comment le cours se donnait avant. Je leur ai expliqué à quel point c’était horriblement ennuyant de lire des articles de lois ensembles. J’ai aussi insisté sur le nombre d’heures passées à leur préparer cette « belle classe inversée » et sur ma déception devant le faible taux de participation. Je ne sais pas si c’est leur futilité au sein de l’équipe ou mon discours culpabilisateur qui a eu le plus d’influence mais la semaine d’après, ma classe était prête à 100%. Cette fois, j’ai pu apprécier le potentiel et les bienfaits d’une classe inversée qui fonctionne.
Cela dit, il ne faut pas se leurrer, il y aura toujours des gens à leur affaire et d’autres qui traînent derrière. C’est là où je pense que l’expérience peut aider à gérer ces deux catégories en même temps.
Devenir plus inclusif avec le temps
En discutant avec des professeurs plus expérimentés, une enseignante me disait : « J’ai toujours un exercice dans ma poche d’en arrière ». Au début je pensais simplement qu’elle avait monté plusieurs exercices pour ceux qui travaillaient plus vite. Puis, après mes expériences de classes inversées j’ai compris ce qu’il en était vraiment. Quand elle fait des casse-têtes dans sa classe, elle a des 10 morceaux mais aussi des 50 des 500 et des 5000 pour occuper chaque individu selon son propre niveau. Ce faisant, tout le monde participe à son rythme en développant la même compétence. Quelle bonne idée!
J’ai trouvé ça très inspirant, mais aussi très décourageant. Transposé à mon domaine, de préparer une panoplie d’exercices pour tous les niveaux pour chaque séance, c’est l’équivalent de deux emplois à temps plein. Solution : toujours la même. Un pas à la fois est gage de succès. Là, j’ai développé des exercices sur des schémas conceptuels et quelques séries de questions. J’ai vu ce que ça donne et à qui ça s’adresse. L’an prochain, ce sera réutilisable et j’aurai le temps de développer d’autres exercices. Finalement, quand j’aurai autant d’années d’expériences que cette enseignante, c’est moi qui aurai la poche pleine de casse-têtes!