Projet de classe inversée

Nathalie Lajoie
Enseignante en chimie
Cégep de Chicoutimi

De nature novatrice mais un peu nulle en techno, je suis toujours à l’affut de nouvelles idées pour capter l’intérêt de mes étudiants et tenter de répondre aux besoins diversifiés de chacun. J’ai donc eu la chance d’expérimenter la classe inversé dans mon cours de chimie générale (202-NYA-05) avec des étudiants en sciences de la nature, dans le cadre d’un projet d’innovation lié aux technologies orchestré par le Cégep à distance. Bien encadrée par notre conseillère pédagogique TIC, Stéphanie, il était plus tentant de se lancer dans l’aventure en minimisant les chances de se casser la gueule !!

Dans le cours Chimie générale, on enseigne aux étudiants comment prédire la polarité des molécules à partir de leur structure. Pour ce faire, les étudiants doivent additionner mentalement des vecteurs de polarité et déterminer si la résultante est nulle (molécule non polaire) ou non nulle (molécule polaire).  Au fil des années, il a été constaté que les étudiants éprouvent de grandes difficultés à faire l’addition de vecteurs et donc à déterminer la polarité des molécules. Comme cet apprentissage est essentiel à la compréhension de nombreux concepts qui seront abordés en chimie des solutions, en chimie organique et en biologie, j’ai ciblé cette matière pour expérimenter la classe inversée.

Production de la capsule

Volontaire, peut-être un peu trop, j’avais de grandes ambitions cinématographiques et des connaissances techno assez minimalistes !!! J’ai d’abord voulu utiliser la caméra document pour enregistrer les explications directement sur la feuille d’exercice. J’ai donc emprunter ladite caméra et, armée de mon seul courage, j’ai dû perdre un bon après-midi à faire plusieurs tests afin de m’approprier le fonctionnement de l’appareil. Au final le résultat n’était pas satisfaisant.

Encore convaincue que mon court métrage mériterait un Oscar, j’ai décidé de filmer la matière théorique, comme je l’aurais fait en classe, avec une caméra vidéo, me rappelant ainsi les souvenirs de nombreux films familiaux de mes enfants !!!  L’utilisation plus simple de cet équipement ne m’a demandé que peu de temps de tournage. J’ai donc produits 4 mini capsules de 2 minutes chacune sur des exemples type de polarité et d’addition de vecteurs.

Étape suivante le montage des 4 capsules pour n’en faire qu’une seule de 8 minutes !!!!  Tout un défi de réalisation. J’ai tenté ma chance avec l’insertion de chacun de mes vidéos dans un Power Point … sans succès. J’ai ensuite travailler avec Adobe Spark puis l’application Photo mais toujours sans succès. C’est finalement avec l’application payante (mais à coût modique) de ScreenCast-O-Matic que j’ai obtenu le meilleur résultat.  

Le travail en classe et les résultats de l’approche inversée

Le travail en classe s’est fait sous forme de table d’experts. Les étudiants se sont vu attribué différentes molécules afin d’en déterminer la polarité. Par la suite, ils se séparaient en différents groupe pour expliquer la polarité de leur molécule à d’autres étudiants.

Les questions à l’examen portant sur la polarité ont été réussi à plus de 87%. Contrairement aux années antérieures, les explications données par les étudiants étaient complètes, accompagnée d’une démarche avec l’addition de vecteurs. Même si l’échantillon est peu représentatif, je peux me douter que la stratégie pédagogique utilisée les a grandement aidés.

Le sondage d’appréciation

La majorité de mes étudiants ont répondu au sondage (21 sur 31) et ils ont apprécié l’approche inversée. Plusieurs suggèrent qu’il y ait davantage de ce type d’enseignement qui rend le cours plus dynamique. D’autres ont mentionné que le visionnement à la maison au moment désiré permet d’apprendre davantage mais surtout de réécouter la matière autant de fois qu’ils le souhaitent. Comme enseignante, j’ai trouvé que la production de capsules demande du temps et de l’humilité !! Il faut commencer à petits pas, se donner le droit à l’erreur, accepter que les capsules ne soient pas parfaites et surtout trouver le matériel et les outils avec lesquels nous sommes le plus à l’aise de travailler.  J’ai déjà ciblé de nouvelles notions pour lesquelles je souhaite intégrer la classe inversée et je me lancerai à nouveau dans la fabrication de capsules vidéos, qui seront certainement plus efficaces !!

Sociologie et classe inversée : une expérience pédagogique

Steeve Gagné
Enseignant au département de sociologie
Cégep de Chicoutimi

Au début de la session d’automne 2019, on m’avait proposé un projet de stratégie pédagogique en classe inversée. Au premier abord, je pensais que le concept était que les rôles dans la classe étaient renversés ; les étudiants donnaient le cours et ma tâche était de les écouter. Après certaines discussions et formations, je me suis rendu compte que ma conception de cette stratégie pédagogique était erronée. En fait, le rôle de l’enseignant est toujours le même, mais l’ordre des activités est inversé.  Bref, j’ai participé au projet et dans les lignes qui suivent, je ferai une réflexion interne (en lien avec l’élaboration de la classe) et externe (impacts sur les étudiants) dans le but de faire part de mon expérience à ceux qui voudront utiliser cet outil pédagogique afin de le faire en connaissance de causes.

En sociologie, l’une des plus grandes difficultés est que les notions sont abstraites. Culture, socialisation, normes et valeurs sont des concepts très importants, au point de guider et d’influencer un individu dans ses décisions et ses actions tout au long de son parcours. Cependant, ces éléments ne sont pas concrets : on ne peut pas les toucher ni les voir, sauf en donnant des exemples en lien avec la société à partir de textes ou de vidéos. Ce problème se transpose également dans le cadre de la classe inversée : quelle matière traiter à l’aide d’un support visuel? Comment rendre cette matière assez tangible pour la traduire en vidéo? Est-ce que l’étudiant comprendra le sujet traité? La partie de matière que j’ai finalement choisie traitait de la violence conjugale et de la maltraitance d’enfants. Ce sujet me semblait à propos pour cette méthode pédagogique en plus d’être un sujet d’actualité connu, qui touche et intéresse les étudiants. Tout cela me permettait de croire que l’activité pourrait s’avérer intéressante.

Graphique - Évolution du taux global de criminalité par 100000 habitants - 2006 à 2015
Une capture d’écran de la vidéo technopédagogique de Steeve Gagné
(Crédit / Courtesy Cégep Limoilou)

Avant de commencer une classe inversée, voici mon conseil en un mot : préparation. Il faut prévoir la matière (choisir les concepts, les concrétiser en support visuel), travailler le support visuel (maîtriser les outils informatiques nécessaires, élaborer le support visuel et le transmettre), avertir les étudiants (consignes avant la classe inversée)  et finalement, organiser le retour après le cours (prévoir une période de question et de retour sur la matière, élaborer et corriger l’évaluation sur la matière). Étant très novice dans le domaine, j’ai été surpris par le temps que tout cela exigeait, en plus des autres livrables d’une session normale. Je considère par contre que puisque maintenant que je l’ai déjà fait, les prochaines fois seront moins énergivores (il y en aura certainement d’autres!).

Pour donner suite au projet, en critique externe, j’ai fait évaluer ce dernier pour mesurer l’appréciation des apprenants et l’impact sur ceux-ci. Somme toute, l’activité de classe inversée à été plutôt bien reçue. Les étudiants ont aimé pouvoir visionner plusieurs fois la vidéo, ce qui facilitait la prise de notes au moment voulu. Je me suis aperçu que les critiques et les problèmes rencontrés sont plutôt relatifs à la vie des étudiants à l’extérieur des cours. La très grande majorité de ceux-ci travaille les soirs et les fins de semaines et la méthode utilisée semblait leur prendre plus de temps à la maison.

Aussi, la classe inversée exige une certaine autonomie ainsi qu’une responsabilisation. L’utilisation de cet outil pourrait être problématique avec des étudiants de première année au collégial où le choc du passage secondaire-cégep et le fait d’être plus laissés à eux-mêmes en affectent plus d’un. Mon projet était adressé à des étudiants de technique en troisième année donc j’ai eu très peu de problème à ce sujet.

En lien avec ce qui vient d’être mentionné, après une classe inversée, une activité devrait être prévue lors du retour en vue de répondre aux interrogations survenues à la maison. Par contre, il n’est pas faux de penser que les étudiants auront peut-être de la difficulté à poser leurs questions. Timidité, dynamique de groupe, pression sociale et autres créent plus souvent qu’autrement des silences en classe. Une activité ou une évaluation formative devient alors très pertinente. Encore une fois, sur ce point, mon expérience a été plutôt positive avec mon groupe d’essai étant donné la présence d’une belle dynamique de classe où les étudiants se connaissent depuis trois ans et ont une grande facilité à communiquer en groupe.

Pour conclure, la classe inversée est un bel outil qui permet de transformer certains cours en pédagogie active. Cependant, avant de se lancer dans celle-ci il est intéressant de se poser les questions suivantes : est-ce le bon étudiant (autonome, responsable), la bonne matière (qui peut être élaborée en classe inversée), le bon soutien (accessible, convivial pour l’étudiant et l’enseignant), le bon moment (temps de planification) et le bon motif (l’utilisation de la classe inversée la pertinence et la valeur ajoutée au cours)[1].


[1] Inspiré de « 5 bons dans l’administration des médicaments » utilisé en soins infirmiers

Projet classe inversée

Stéphanie Collard
Conseillère pédagogique TIC
Service des programmes et du développement pédagogique
Cégep de Chicoutimi

Dans le cadre d’un projet d’innovation lié aux technologies, orchestré par le Cégep à distance, j’ai eu la chance d’accompagner 3 enseignants dans la mise en œuvre d’une stratégie pédagogique qui était nouvelle pour eux : la classe inversée.

Au départ, le projet a été présenté aux enseignants sous l’angle du changement de paradigme dans lequel cette stratégie nous place. Lors de la planification d’une activité de classe inversée, il faut se mettre dans la posture de guide, et non pas dans celle du maître des connaissances. Le développement de l’engagement et de l’autonomie chez les étudiants est visé pour qu’ils soient les principaux acteurs de leurs apprentissages.

La planification

Des membres d'une équipe font la planification à l'aide des ordinateurs. Team members planning with the help of computers.
Crédit/Courtesy You X Ventures on Unsplash

D’entrée de jeu, les enseignants associés au projet ont désiré choisir un cours qu’ils donnent habituellement en enseignement magistral, pour le transformer du tout au tout. 

Pour ce faire, nous avons suivi les étapes de la planification d’une leçon en classe inversée qui sont[1] :

  1. Établir l’objectif de formation et dresser la liste des contenus disciplinaires à étudier pour parvenir à l’atteinte de l’objectif fixé;
  2. Déterminer les contenus qui seront traités en amont de la leçon (activité préparatoire) et ceux qui le seront en classe;
  3. Sélectionner la façon dont l’étudiant sera exposé au contenu et les tâches qu’il devra effectuer;
  4. Produire les outils associés à l’activité préparatoire (matériel, consignes, questionnaires, etc.) et ceux pour la classe en présence;
  5. Rassembler des données sur l’appréciation générale des étudiants.

Pour chacune de ces étapes, j’ai été présente pour accompagner les enseignants, répondre à leurs questions et collaborer au montage de leur activité. Je suis d’avis que le travail de collaboration a suscité des idées intéressantes de part et d’autre et que les échanges ont été plus que bénéfiques. De cette façon, les enseignants ont aussi pu augmenter leur confiance en eux, car ils n’étaient pas nécessairement tous à l’aise avec cette méthode au début du projet.     

Technopédagogies

Comme la vidéo est le support de présentation qui a été le plus utilisé dans notre projet, une part de mon travail a consisté à de l’accompagnement technopédagogique. Puisqu’ils n’étaient pas très expérimentés en la matière, je les ai dirigés vers PowerPoint, soit pour filmer l’écran ou pour enregistrer un diaporama. Ainsi, la simplicité de l’outil les a agréablement surpris et ils se sont lancés dans l’aventure. Ils ont tous remarqué que de rédiger le texte avant de faire la vidéo était très aidant et permettait de gagner en efficacité lors de l’enregistrement. 


[1] Adapté du cours ‘’ La classe inversée au collégial’’, par Dave Bélanger.

Étapes de la planification d’une classe inversée

Alexandra Fafard
Enseignante au département d’analyses biomédicales
Cégep de Chicoutimi

Dans le cadre du projet lié aux innovations pédagogiques, en collaboration avec le Cégep à Distance, j’ai eu la chance d’expérimenter la classe inversée. La réalisation d’une capsule était, selon moi, un élément important du projet. Dans ce billet, je vais illustrer les différentes étapes de production du matériel pour toutes les phases de la leçon.

LA PLANIFICATION

Le contenu

La première étape était la sélection des concepts, que j’enseignais normalement dans le cadre d’un cours magistral et que je désirais travailler en classe inversée. Une fois la matière sélectionnée, j’ai dû me questionner à propos de la manière que j’allais employer pour convertir les deux heures de cours théorique, habituellement consacrées pour cette partie, à l’aide d’une capsule de 10 minutes ou moins et d’une activité en classe qui permettait un apprentissage profond. Il m’était donc essentiel de trouver la bonne façon de présenter le contenu aux étudiants lors de l’écoute de la vidéo et de trouver une activité efficace pour leur compréhension. Comme j’enseigne dans un programme technique et que la formation des étudiants est constituée de cours théoriques et de laboratoires, mon choix s’est arrêté sur de la matière enseignée dans ces deux volets. Pour favoriser la compréhension des étudiants, j’ai créé une capsule avec des images illustrant les résultats de laboratoires et j’ai précisé l’interprétation des résultats. De cette façon, les étudiants étaient mieux préparés en laboratoire. L’approfondissement des concepts a été fait dans le cours théorique suivant le visionnement de la capsule.

Réalisation de la capsule

Pour faire ma capsule, j’ai utilisé PowerPoint, mais il existe plusieurs autres logiciels. Une fois mes images sélectionnées, j’ai fait ma capsule en respectant l’ordre établi dans mes notes de cours. J’ai mis l’emphase sur le visuel appuyé par des mots clés. Ensuite, il était primordial de faire la narration. Je crois que j’avais sous-estimé le temps requis pour cette étape. Après quelques essais et erreurs, j’ai vite compris qu’il était essentiel d’écrire textuellement ce que je désirais dire pour chacune des diapositives. Cela facilite l’enregistrement et diminue énormément le temps consacré à cette fin.

Capture d'écran avec des équipements de laboratoire. Production de H2S
Une capture d’écran de la vidéo produit par Alexandra Fafard.

Outils

Il est important que les étudiants soient actifs lors de l’écoute d’une vidéo et de les diriger vers les points cruciaux. Pour ce faire, j’ai créé un questionnaire contenant une dizaine de questions. Les étudiants devaient le remplir pendant le visionnement et me le remettre au début du cours suivant. Les questions posées dans cedit questionnaire portaient sur les éléments importants de la capsule pour la compréhension des étudiants. Tous les étudiants ont visionné la capsule et ont remis le questionnaire. Les copies corrigées ont été remises aux étudiants lors du cours suivant avec des commentaires. Ils peuvent donc garder des traces de leurs écrits.

Activité en classe

Lors de la période de classe, nous avons fait une activité qui avait pour but de consolider et de renchérir les concepts qui avaient été présentés dans la capsule. Comme les étudiants avaient des notes de cours troués, ceux-ci devaient faire de la recherche dans des articles que j’avais présélectionnés pour compléter leur note de cours. Individuellement, ils devaient procéder à la lecture des articles. Puis, en équipe, ils devaient compléter leurs notes de cours. Pendant ce temps, j’étais à leur disposition pour répondre à leurs questions. Les étudiants ont pu corriger leurs réponses à l’aide d’un document qui leur a été remis. Une fois la tâche terminée, nous avons fait un questionnaire en ligne d’une vingtaine de questions avec « Kahoot ». Cet exercice m’a permis de m’assurer de la compréhension juste des concepts qui ont été couverts par la capsule et complétés par l’activité en classe.

Retour sur l’activité

Finalement, les étudiants ont dû remplir un questionnaire portant sur leur appréciation de l’activité. Dans l’ensemble, les étudiants ont beaucoup aimé avoir accès à un outil leur permettant de se préparer à la fois pour la séance de laboratoire et pour le cours théorique. Ils ont trouvé que la classe inversée avait facilité leurs apprentissages. Pour ma part, j’ai observé que les concepts ont été bien compris par les étudiants et que l’ensemble des étudiants se sont investis dans la tâche. J’ai adoré concevoir cette activité et travailler en classe inversée, mais il faut être conscient que cela demande beaucoup de temps, surtout pour une première fois! Il est certain que je vais tenter l’expérience à nouveau.